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Enquête exclusive – Corruption au sein de la SNCFT : Un scandale aux conséquences dangereuses

  • Photo du rédacteur: Amira AZIZI
    Amira AZIZI
  • 3 avr.
  • 3 min de lecture

Auteur : Amira AZIZI

La justice tunisienne a franchi une nouvelle étape dans l’affaire de corruption qui secoue la Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens (SNCFT). La chambre d’accusation spécialisée dans les affaires de corruption financière auprès de la Cour d’appel de Tunis a émis des mandats de dépôt à l’encontre de plusieurs hauts responsables, anciens et actuels, dont un ex-directeur général de la SNCFT. Ces responsables seront déférés devant la chambre criminelle spécialisée en affaires de corruption financière du Tribunal de première instance de Tunis.


Une affaire révélée en 2021


L’enquête sur cette affaire remonte à novembre 2020, lorsqu’une plainte accompagnée de documents et de preuves a été déposée auprès de l’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption (INLUCC). Cette plainte dénonçait de graves irrégularités dans un marché conclu en 2017 entre la SNCFT et un fournisseur étranger pour l’acquisition de 13 690 traverses en bois destinées au renouvellement des rails sur plusieurs lignes ferroviaires du pays.


En 2021, l’INLUCC a transmis le dossier au procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis, révélant de nombreuses infractions financières et administratives impliquant plusieurs cadres de la SNCFT, dont :

• Le président-directeur général de l’époque,

• Le directeur du contrôle juridique,

• Le directeur des achats,

• Le directeur de la maintenance des voies ferrées et des infrastructures.


Les soupçons de corruption concernent principalement la non-conformité des traverses en bois aux normes techniques requises, une anomalie qui aurait été ignorée ou dissimulée lors des étapes de réception et de vérification du matériel.


Des traverses dangereuses pour les passagers


Selon les investigations, sur 5 876 traverses testées, 2 255 se sont révélées inutilisables, soit un taux alarmant de 38 % de pièces défectueuses. Ces traverses, déjà installées sur plusieurs lignes ferroviaires à travers le pays, représentent un risque majeur pour la sécurité des trains et des passagers.


L’un des éléments les plus troublants du dossier réside dans l’envoi en Roumanie de deux représentants de la SNCFT pour vérifier la conformité des traverses avant leur expédition en Tunisie. Or, ces deux inspecteurs n’avaient aucune expertise dans le domaine du bois, rendant leur mission totalement inefficace. L’INLUCC souligne que cette tâche aurait dû être confiée à un expert certifié ou à un organisme technique spécialisé.


Un manque à gagner et des manœuvres suspectes


Les documents douaniers révèlent une autre anomalie : alors que la SNCFT aurait officiellement réceptionné 9 534 traverses en provenance de Roumanie via le port de Radès, les registres internes de la société n’en recensent que 9 338, laissant 196 traverses introuvables.


De plus, malgré l’alerte lancée par un premier audit interne, aucune mesure administrative ou judiciaire n’a été prise à l’encontre des responsables impliqués. Pire encore, le PDG de l’époque aurait usé de son influence pour entraver les travaux d’un second audit lancé en février 2021, tentant d’introduire des éléments de nature à discréditer les conclusions du rapport initial.


Une affaire emblématique de la corruption en Tunisie


Ce scandale met en lumière un problème systémique au sein des institutions publiques tunisiennes : l’absence de contrôle rigoureux, le manque de transparence et l’impunité des hauts responsables impliqués dans des affaires de corruption.


Alors que l’instruction se poursuit et que les accusés devront répondre de leurs actes devant la justice, une question essentielle se pose : combien d’autres contrats publics souffrent des mêmes irrégularités, mettant en péril la sécurité des citoyens et creusant les déficits financiers de l’État ?


Les Tunisiens, de plus en plus exaspérés par les scandales de corruption à répétition, attendent une justice exemplaire dans cette affaire. Mais au-delà des condamnations individuelles, c’est l’ensemble du système de passation et de contrôle des marchés publics qui devra être réformé pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent.

 
 
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