Vendredi soir, une conversation téléphonique a eu lieu entre le président tunisien Kaïs Saïed et son homologue français Emmanuel Macron. Au cœur des discussions : la lutte contre les réseaux de traite humaine et la récupération des fonds détournés. Cette communication intervient alors que la Tunisie est confrontée à une montée en puissance des réseaux criminels impliqués dans l’exploitation humaine, souvent avec la complicité de certains membres des forces de l’ordre.
Une coopération franco-tunisienne face aux trafics
Selon un communiqué de la présidence tunisienne, les deux chefs d’État ont évoqué les efforts nécessaires pour démanteler les réseaux de traite des êtres humains opérant en Tunisie, notamment ceux qui exploitent les migrants subsahariens. La question des fonds détournés à l’étranger a également été abordée, un sujet récurrent pour Kaïs Saïed qui, depuis son arrivée au pouvoir, insiste sur la nécessité de rapatrier les avoirs illicitement transférés hors du pays.
La France, principal partenaire économique de la Tunisie, joue un rôle clé dans ces dossiers. Paris a déjà exprimé sa volonté d’appuyer Tunis dans la lutte contre la corruption et le crime organisé, mais les résultats concrets tardent à se faire sentir.
La police tunisienne, un maillon défaillant
Si la volonté politique affichée par le président Saïed semble claire, la réalité sur le terrain est bien plus complexe. De nombreux rapports et témoignages révèlent que des membres des forces de l’ordre sont directement impliqués dans ces réseaux criminels. Corruption, pots-de-vin, et complicité active avec les trafiquants sont autant de pratiques qui minent les efforts de lutte contre la traite humaine.
Dans plusieurs affaires récentes, des officiers ont été accusés d’alerter les passeurs avant les descentes de police, ou pire, d’être directement impliqués dans l’organisation des filières de migration clandestine. D’autres ferment les yeux sur les réseaux de prostitution qui exploitent des femmes vulnérables, souvent migrantes, en échange d’un pourcentage des profits générés.
Cette situation rend toute réforme difficile et suscite des doutes quant à la réelle capacité de l’État à enrayer ces phénomènes. Kaïs Saïed a fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille, mais ses discours ne suffisent pas à renverser un système gangrené par des décennies d’impunité.
Des réformes indispensables mais insuffisantes
Face à ces défis, des mesures ont été annoncées, comme l’intensification des enquêtes et la création d’unités spécialisées pour lutter contre le crime organisé. Cependant, ces initiatives se heurtent à la réticence d’une administration policière qui protège encore ses éléments corrompus.
La coopération internationale, notamment avec la France, pourrait-elle changer la donne ? Rien n’est moins sûr. Si Emmanuel Macron a réaffirmé son soutien à la Tunisie, la réalité des relations diplomatiques implique souvent des compromis. Or, la lutte contre ces réseaux ne pourra aboutir sans une véritable purge au sein des forces de l’ordre tunisiennes.
Pour l’instant, la communication officielle met en avant la volonté de coopérer et de renforcer la lutte contre ces crimes. Mais tant que l’appareil sécuritaire restera infiltré par des intérêts mafieux, la Tunisie continuera d’être un terrain fertile pour les trafiquants d’êtres humains et les prédateurs financiers.