Tunis, 21 novembre 2025 — Le géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé se retrouve au cœur d’une controverse très préoccupante : selon des témoignages de parents tunisiens, plusieurs enfants ayant consommé régulièrement sa célèbre céréale infantile Cerelac auraient développé un diabète juvénile. Si les accusations ne sont pas encore formellement confirmées par des études scientifiques indépendantes en Tunisie, elles ravivent le débat mondial sur les teneurs en sucre ajouté dans les produits pour bébé.
Des témoignages alarmants
Depuis quelques semaines, des familles tunisiennes partagent leurs inquiétudes sur les réseaux sociaux et dans les médias. Plusieurs mères affirment que leurs enfants, nourris dès le plus jeune âge avec du Cerelac de Nestlé, ont vu leur glycémie augmenter, jusqu’à recevoir un diagnostic de diabète de type 1. L’origine du problème, selon elles : un excès de sucre dans le produit.
Ces témoignages ont déclenché une vague d’émotion en Tunisie, d’autant plus que Cerelac est l’une des céréales pour nourrissons les plus répandues dans les magasins, notamment dans les zones urbaines où les parents, souvent soucieux d’offrir une “bonne bouillie enrichie”, choisissent cette marque réputée.
Des inquiétudes déjà soulevées par des ONG
La polémique tunisienne s’inscrit dans un contexte plus large : l’ONG suisse Public Eye a récemment accusé Nestlé de vendre des produits Cerelac avec des teneurs beaucoup plus élevées en sucre ajouté dans les pays à revenus plus faibles.
Selon cette enquête, plus de 90 % des échantillons de Cerelac collectés dans des pays africains contiendraient du sucre ajouté. En moyenne, il s’agirait de près de 6 grammes de sucre par portion analysée.
Public Eye dénonce un “double standard” : dans les marchés occidentaux — notamment en Europe —, certaines versions de Cerelac seraient commercialisées sans sucre ajouté. En Suisse, par exemple, les céréales pour bébés sont “sans sucre ajouté”, selon l’ONG.
Les risques pour la santé des enfants
Les experts en nutrition alertent depuis longtemps sur les dangers des sucres ajoutés dans l’alimentation des enfants. Une exposition précoce au sucre favorise non seulement le surpoids et l’obésité, mais peut aussi, selon certains, accroître le risque de déséquilibres métaboliques à long terme.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il est recommandé de limiter l’ajout de sucre dans les aliments destinés aux tout-petits. Si ces recommandations ne mentionnent pas explicitement le diabète de type 1 (qui est d’origine auto-immune et non directement liée à l’alimentation), l’hyperglycémie chronique chez un enfant reste un signal d’alarme fort, surtout quand plusieurs cas similaires émergent dans une même communauté.
La réponse de Nestlé
Face aux accusations, Nestlé réfute les allégations les plus graves. Le groupe déclare appliquer “les mêmes principes de nutrition, de santé et de bien-être dans tous les pays” et affirme que ses produits respectent les législations locales et les normes internationales.
Dans un communiqué, Nestlé explique que des “variations légères” dans les recettes selon les marchés sont dues à “différents facteurs”, comme la réglementation ou la disponibilité des ingrédients.
En outre, la multinationale indique qu’elle accélère le déploiement de variantes de Cerelac “sans sucres ajoutés” : elle affirme que 97 % de ses marchés en proposent déjà, et vise 100 % d’ici fin 2025.
Vers une enquête en Tunisie ?
La gravité des témoignages a poussé certaines associations tunisiennes à demander une enquête sanitaire. Des pédiatres, des associations de parents et des activistes réclament une analyse des produits importés (lots de Cerelac vendus en Tunisie) et une étude épidémiologique pour vérifier s’il existe un lien statistique entre la consommation de Cerelac sucré et les cas rapportés de diabète chez les enfants.
Le ministère de la Santé tunisien n’a pas encore communiqué officiellement sur ces accusations, mais les familles disent qu’elles se sentent “laissées pour compte”. Elles appellent à la transparence, au rappel des lots potentiellement dangereux, et à une réglementation plus stricte des produits pour nourrissons.
Un enjeu de santé publique et d’éthique
Cette affaire nourrit un débat éthique majeur : Nestlé, entreprise suisse, serait-elle en train de vendre des produits moins “sains” dans les pays les plus vulnérables ? Pour Public Eye et d’autres ONG, la question va au-delà du profit : elle touche à la justice nutritionnelle. “Tous les bébés ont le droit à une alimentation saine, quelle que soit leur nationalité ou la couleur de leur peau”, affirment-elles.
Pour les parents tunisiens, la cerise sur le gâteau est particulièrement amère : ce qu’on leur a vendu comme un produit de croissance pourrait, selon eux, être à l’origine d’un risque grave pour la santé de leurs enfants.