Tunis – Correspondance spéciale
Le 23 juin 2022 restera gravé comme une nuit tragique pour la famille Belhaj. Ce soir-là, Achref Belhaj, un jeune homme de 24 ans, a été sauvagement poignardé à quatre reprises lors d’un mariage à Kalaat El Andalous, dans le gouvernorat de l’Ariana. La violence de l’agression, le contexte festif et l’innocence de la victime ont choqué toute une communauté.
Le coupable, Mohamed Ali Belhaj, est loin d’être un inconnu des services de police. Délinquant multirécidiviste, il était activement recherché par les autorités au moment des faits. Pourtant, malgré la gravité du crime et le passif judiciaire du meurtrier, la justice tunisienne a choisi de réduire sa peine de manière inexplicable.
Initialement condamné à 20 ans de réclusion, Mohamed Ali Belhaj a vu sa peine réduite à… 3 ans de prison seulement par la Cour d’appel de Tunis (affaire n°41424 – chambre criminelle n°23), lors de l’audience du 8 avril 2025. Une décision qui suscite l’indignation, l’incompréhension, et surtout la colère.
Un jugement qui interroge
Comment expliquer un tel allègement de peine pour un meurtre aussi brutal ? Comment justifier la clémence de la justice envers un individu au casier chargé, en fuite au moment des faits, et reconnu coupable d’un homicide volontaire ? Ces questions brûlantes restent pour l’instant sans réponse, alimentant les soupçons de dysfonctionnements graves, voire de corruption au sein de l’institution judiciaire.
De nombreux observateurs et militants des droits humains expriment leurs inquiétudes face à ce qu’ils considèrent comme une atteinte au principe fondamental d’égalité devant la loi. « Ce verdict n’est pas seulement une insulte à la mémoire d’Achref, c’est une gifle à tous les Tunisiens qui croient encore en la justice », déclare une militante associative.
Des appels à la transparence
Des voix commencent à s’élever, réclamant l’ouverture d’une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce jugement controversé. Plusieurs ONG locales appellent le ministère de la Justice à agir et à garantir que de telles affaires soient traitées avec rigueur, indépendamment de toute influence politique, sociale ou financière.
La famille Belhaj, anéantie par la perte d’Achref, se bat aujourd’hui pour une seule chose : la vérité. Elle demande que justice soit rendue, pas uniquement dans les textes, mais dans les faits.
« On a tué mon fils une première fois avec un couteau. Et maintenant, on le tue une seconde fois avec un verdict », confie la mère de la victime, la voix brisée par l’émotion.
Une justice en péril ?
Au-delà du cas d’Achref, cette affaire soulève un enjeu plus large : celui de la crédibilité du système judiciaire tunisien. Si la vie d’un jeune homme peut être troquée contre trois ans d’enfermement pour son assassin, que reste-t-il du sens même de la justice ?
Le silence des autorités ne fait qu’amplifier la défiance. L’opinion publique, elle, n’oubliera pas. Et tant que la lumière ne sera pas faite, le nom d’Achref Belhaj restera le symbole d’une justice qui vacille, et d’un pays qui, peut-être, a oublié que la vie humaine ne se négocie pas.